L’ISRA s’engage davantage dans la promotion de processus d’innovations. L’ambition dans cette réflexion stratégique est, dans une posture réflexive, de propulser la dynamique de dissémination des résultats de recherche et de s’engager dans la prospective participative. Cette réflexivité, entendue comme la posture consistant à soumettre à une analyse critique sa propre pratique scientifique (opérations, outils et postulats) et les conditions sociales de toute production intellectuelle (Rui, 20125), est utile si nous entendons répondre par nos recherches à une demande sociale et, par conséquent, soumettre à évaluation nos résultats ainsi que les processus au travers desquels nous y arrivons. Ce principe d’auto-analyse, en plus des occasions institutionnelles d’évaluation externe (CST), pourrait dans les années à venir, permettre aux différentes équipes de questionner leurs pratiques et renouveler leurs approches. Ce paradigme inciterait l’ISRA à s’inscrire davantage dans une culture d’impact de ses recherches.

Analyse des politiques

La recherche contribue à toutes les étapes du cycle de l’action publique. Ainsi, pour les cinq prochaines années, les orientations stratégiques de l’ISRA accorderont une attention particulière aux outils et approches de recherche innovants qui alimentent de manière éclairée la décision politique. La recherche agricole est à l’amont, in itinere et à l’aval des politiques de développement de l’Agriculture. Que cela soit dans le domaine des recherches en production végétale, en production et santé animales et dans le domaine de la recherche halieutique, l’ISRA participe fortement à l’établissement des diagnostics qui alimentent la formulation des objectifs de développement des dits secteurs. Mais, plus particulièrement, des recherches en sciences humaines et sociales (économies, géographie et sociologie) sont essentiellement consacrées à l’analyse des politiques.

Dans cette réflexion stratégique, l’ISRA entend renforcer cette assise par la mise à niveau continue dans ces domaines. Il s’agit particulièrement de la modélisation macro et micro économique, d’analyses fines pour décrypter les messages clés véhiculés par les statistiques. Ce vaste chantier d’analyse des politiques est déjà lancé par le MAER, notamment par la mise en place d’un réseau national d’analyse des politiques agricoles dans le cadre du Projet d’appui aux politiques agricoles (PAPA) qui intègre les universités, un CGIAR (IFPRI), d’autres département du ministère de l’Agriculture (DAPSA), des Think Tank. L’ISRA est au cœur de cette plateforme et ambitionne de fournir, dans un court terme, des résultats probants sur les besoins d’accompagnement et d’investissement prioritaires des filières porteuses de croissance de l’agriculture.

En revanche, d’autres chantiers non moins importants seront entrepris, de manière plus globale sur les politiques agricoles, d’élevage, de la pêche et de la foresterie. Il s’agira i) de réfléchir à la mise en place d’un observatoire sur les politiques qui servira de dispositif d’évaluation des impacts des politiques, d’anticipation, de prospective, de développement d’outils pour l’analyse des risques et aléas sur le secteur agricole (modélisation…) et enfin d’élaboration de notes politiques, ii)de systématiser l’évaluation de l’efficacité des mesures politiques à travers les programmes et projets d’envergure de l’État et de ses partenaires au développement.

Appui à la dissémination/appropriation/valorisation des résultats

l’évolution des paradigmes de recherche-développement a, depuis plusieurs décennies, installé les acteurs du monde de l’agriculture dans une rupture entre le schéma diffusionniste et le schéma aujourd’hui intégré qui articule – besoins de recherche – recherche à proprement parlé – partage et diffusion des résultats. Aussi, ce paradigme, loin de pouvoir juste se décréter, nécessite-t-il de l’apprentissage pour des chercheurs rompus à des méthodes classiques de maîtrise de leurs objets de recherche et des changements institutionnels capables d’accompagner de telles ruptures. Ainsi, la recherche pourrait envisager ces cinq prochaines années plusieurs chantiers qui devraient poser les jalons d’une recherche influente auprès des agriculteurs, des politiques et plus largement de la société sénégalaise par i) la formation continue de ses chercheurs à la communication au grand public, au-delà des publications scientifiques, ii) l’usage de nouveaux outils de partage et de mise en débat comme cela se fait déjà avec la « théâtralisation », les jeux de rôle…, iii) la culture d’une communication performative, iv) la mise en place et la gestion d’une base de données fiable.

Veille et prospective participative

L’agriculture de demain dépend en grande partie des résultats de recherches agricoles. C’est en cela que la prospective, en tant qu’exercice de projection, est puissante et utile pour la définition des objets de recherche. L’ISRA dans son fonctionnement a institué officiellement des rencontres annuelles (programmation) avec les partenaires pour le partage de résultats et l’orientation des activités de recherche. Cet exercice, bien qu’original et assez exceptionnel dans les institutions nationales de recherches agricoles, ne permet pas suffisamment de cerner la demande sociale dans toute sa complexité. En revanche, la demande sociale peut davantage trouver de la place dans les priorités scientifiques à partir de veille et de prospective. En effet, la construction de scénarii à partir de diagnostics partagés par les différents acteurs sur la base de situations factuelles, permet de déceler les facteurs de changements de l’agriculture. Ces espaces de prospectives permettent l’opportunité de réflexions ouvertes sur les implications des scénarii.

L’exercice consistant à identifier les choix de recherche qui doivent accompagner les tendances imaginées est stimulant pour la recherche. Ainsi, cet axe se décline en deux composantes que sont :

i) la veille thématique que l’ISRA doit instituer au sein des équipes pour alimenter le pilotage scientifique,

ii) le positionnement, dans tous les projets structurants, d’une composante de prospective participative pour préfigurer des tendances dans les ressources naturelles (terres, eau, biologiques, cultivées, halieutiques, animales et forestières) et les facteurs déterminants (marchés, comportements alimentaires, politiques publiques…) de l’évolution de l’agriculture.