L’entreprise familiale Mamelles Jaboot, connue pour son yaourt et ses produits à base de céréales locales vendus dans toutes les supérettes et supermarchés du pays, l’est moins pour l’originalité de son business model.
Le Président Directeur Général, Monsieur Pierre Ndiaye a pris le pari d’allier la production industrielle et la dextérité des femmes à pétrir la farine en boulettes de mil (MOGN en wolof). Dès les premiers pas dans l’usine de Mamelles Jaboot à Thiès, Les narines du visiteur sont titillées par la bonne odeur du mil en cuisson. Ensuite, on est saisi par le plaisant contraste entre la production de farine haute technologie automatisée et la production manuelle du ARRAW, THIAKRY et THIERE savamment orchestrée par 80 femmes (extensible à 160).
Ce business model est loin des principes hyper productifs de l’agro-industrie classique. Il préserve le savoir-faire traditionnel et offre un emploi décent et stable aux femmes et aux jeunes filles, même non instruites. En retour, elles contribuent à l’économie du pays et renforcent leur autonomie financière et la prise en charge de leurs foyers.
Le modèle inclusif de l’entreprise Mamelles Jaboot implique également un réseau fidèle de producteurs de mil. En effet, depuis 2011, l’entreprise contracte des producteurs de mil dans différentes localités du Sénégal pour disposer d’une offre de mil de haute qualité. La contractualisation assure un marché aux producteurs et leur garantit un revenu avant même la production. Par ricochet, la confiance des banques est renforcée et les producteurs peuvent contracter plus facilement des prêts et des micro-crédits.
L’implication de l’agro-industrie dans les chaines de valeur céréalières, tire la production et impose des standards de qualité aux producteurs qui se professionnalisent et s’organisent pour mieux répondre à la demande. Il en résulte que les producteurs deviennent demandeurs de technologies et de services afin d’améliorer leurs performances et d’augmenter leurs revenus. Ceci est une aubaine pour l’ISRA qui développe des variétés améliorées de céréales locales à haut rendement et mieux adaptées aux conditions de changement climatique, mais aussi pour les fournisseurs de services agricoles. En créant de la demande, la mise à l’échelle des technologies se fait d’elle-même ainsi que la création d’emplois et de services.
Cependant, les efforts de renforcement de la chaine d’approvisionnement et de transformation des céréales locales n’auront de sens que si les produits à base de céréales locales sont consommés par la population. Malheureusement, ce pari est loin d’être gagné vu notre tendance à consommer plutôt ce qui est produit ailleurs et à considérer comme archaïque nos savoirs et produits traditionnels. Faisons du consommer local un choix conscient et citoyen d’une meilleure nutrition et d’une production durable basées sur nos savoir-faire endogènes !